Biographie
Par Jacques Bertoin
Si vous avez été admis à des funérailles au sud du Sahara, si vous avez assisté à la cure salée, au Niger, ou à la dernière Fête des générations dans le sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, si vous avez célébré le nouvel an avec les Abedjis, invulnérables aux blessures qu’ils s’infligent eux-mêmes, si vous avez dansé avec les hommes-panthères Sénoufos, souffert avec les excisées du Burkina ou campé chez les pygmées du Congo, alors vous avez déjà rencontré Catherine Millet. Peut-être n’avez-vous pas remarqué ce petit bout de femme aux allures de Gavroche, chargée de sacs bourrés d’objectifs, toujours en mouvement dans ces foules d’Afrique qui sont devenues son élément.
Mais elle, elle vous aura vu, elle aura surpris un regard de défi sous le maquillage, un geste de fatigue, un masque qui se détourne, des mains qui se croisent et peut-être reconnaîtrez-vous votre visage rangé à sa place parmi les dizaines de milliers de cliché qu’elle accumule, au retour de ses expéditions, dans son bureau parisien proche de la colline de Montmartre.
Depuis plus de vingt ans, après qu’elle eut effectué de longs reportages en Amérique latine, à Haïti et au Brésil, à la recherche des mondes noirs d’outre-Atlantique, Catherine Millet arpente l’Afrique sur sa moto, en taxi-brousse, en pirogue ou à dos de dromadaire…
De Catherine Millet, on ne saurait dire qu’elle est « seulement » photographe de presse ou d’actualité, pas plus qu’on ne peut confiner à l’ethnologie un travail qui consiste précisément à inscrire les traditions du passé dans les transformations du présent. Adepte de la photographie instantanée, elle ne fait pas poser ses modèles pour tenter de retrouver une pureté disparue dans ce qui apparaîtrait comme un exotisme de pacotille : c’est bien plutôt la volonté de tendre un miroir aux métamorphoses du continent noir quoi l’habite. Le désir de saisir - et de sauvegarder - ce « je ne sais quoi » qui, faisant affleurer une mémoire ancienne dans l’Afrique quotidienne, donne tant de résonance à ses paysages et à ses hommes.
Discrète, toujours respectueuse de ses sujets - elle ne se met au travail que là ou elle a d’abord été introduite, sinon invitée - , Catherine Millet archiviste du présent, met ses images en demeure de capter une réalité métisse, encore largement inédite : celles de coutumes ancestrales mises à l’épreuve du monde contemporain.
Et soyez en sûrs, le spectacle vaut le détour…